Vivification du mois de Ramadan 1444H - 2023
Jour 6 : MATLABUL FAWZAYNI
« Matlabul Fawzayni » (La quête du bonheur dans les deux mondes [Ici-bas et dans l’Au-delà]) est un poème qui a eu ses lettres de noblesses par la voix de Cheikh Abdoul Ahad, troisième khalife des Mourides, qui l’avait convoqué dans une de ses adresses. Il en avait choisi plusieurs vers dont il avait lui-même fait la traduction. Il indiquait également que le Cheikh y récapitule toutes ses ambitions pour Touba, ce qui est une orientation de taille sur la considération qui sied vis-à-vis de la ville sainte. Cheikh Abdoul Ahad avait par ailleurs souligné que les prières formulées par le Cheikh dans cet écrit ont toutes été exaucées par le Seigneur.
Rappelons que le Cheikh a composé « Matlabul Fawzayni » dès son arrivée à Touba en 1888. Écrit dans la métrique « Rajaz », le poème compte 236 vers et présente un préambule très fourni qui délivre de nombreux éclairages sur le Khassida. Le Cheikh mentionne dans ce préambule : « l’objet du poème est de glorifier Dieu et de lui rendre grâce ». Il ajoute : « Il a été composé à Touba, une terre que Dieu a préservée ». Toujours dans le préambule, le Cheikh poursuit : « Dieu l’a préservé de tout mal, de tout danger par égard pour celui qui s’est exilé pour vivifier la tradition du Prophète (PSL) ». Le reste du préambule est constitué de prières et de propos qui rappellent les invocations du vénéré prophète Abraham au moment de son installation à la Mecque.
Dès le premier vers, le Cheikh glorifie Allah en ces termes : « Alhamdulillâhil Karîmi zil minan, Alashti qâlî bi furûdin wa sunan » (Louange à Dieu le Généreux et Maître des bienfaits...). Il poursuit au vers 2 : « Je Lui rends grâce pour m’avoir conduit sur une terre où Il a annihilé les obstacles ». Ce vers est pour le moins déroutant, car le Cheikh parle d’obstacles annihilés alors qu’il était dans une forêt fort inhospitalière. Par ce contraste apparent, on peut noter à quel point le Cheikh exulte et montre qu’il est débarrassé de tout ce qui était contraignant pour lui. Néanmoins, la compréhension à ce niveau doit être double. Le Cheikh montre d’abord une satisfaction majuscule d’avoir trouvé une terre où il pourra se consacrer à l’injonction faite à tous les musulmans à savoir adorer Allah. Il exulte aussi parce que, de façon plus transcendantale, le Seigneur lui a présenté la photographie de ce que Touba sera. C’est ainsi qu’il faut comprendre sa déclaration suivante, qui fait référence à la mosquée de Touba : « Le Seigneur m’a accordé un édifice qui se dressera jusqu’au Paradis ». Notons qu’en ces temps, nul ne s’imaginait des habitations en dur dans cette ville. L’auteur ajoute : « Le Seigneur m’a accordé un lieu de quête du savoir ». Un vers qui nous fait penser à l’université que le vénéré Cheikh Mountakha a édifié.
Le vers 17 s’avère plus explicite sur la raison pour laquelle le Cheikh exulte. Il considère, par humilité, ne pas mériter ce que le Seigneur lui a accordé. Il écrit à ce propos : « Les éloges des gens ont failli me faire tomber dans le piège de Satan ». Il ajoute au vers 22 : « J’ai été négligeant ». « Je me plains pour mes nombreux vices » (vers 25). « Je suis un paresseux qui dort beaucoup » (vers 23). Cette posture n’est pas nouvelle chez les soufis et il faut en avoir une compréhension non superficielle. En effet, dans leur itinéraire, les hommes de Dieu ne voient que la distance qui les sépare de la conjonction spirituelle, ce qui ne veut pas dire qu’ils sont paresseux, négligents ou indigènes. Au contraire, ils sont « primus inter pares » (premiers parmi leurs pairs).
A suivre…
Commentaire : Serigne Mansour Seck (Membre comité scientifique HT)
Restitution : Awa Tall Ba
2014 © HTCOM. | Design by SINAPPS